Masques Chhau

Numéros d’inventaire : 78.3.1 (Râdhâ) et 78.3.2 (Cygne) (Don)
Date de création : XXe siècle
Lieu de création : Inde
Matière et technique : Argile, carton bouilli, tissu et peinture
Dimensions (H x L) :

La danse indienne Chhau (du sanskrit chhâyâ = ombre) appartient aux danses folkloriques même si elle mêle des éléments de danse classique. Elle comporte trois styles, correspondant aux trois régions de l’est de l’Inde où elle est pratiquée : Seraikella (Jharkhand), Purulia (Bengale occidental) et Mayurbhanj (Orissa).

La danse Chhau de Seraikella est née au sein de la famille royale dont les membres, depuis des générations, sont souvent eux-mêmes danseurs. En 1978, Braj Bhanu Singh Deo, prince de Seraikella, et sa compagnie de danse donnent un spectacle à Toulouse. Visitant le musée Georges-Labit, le prince offre deux masques Chhau qui rejoignent la collection indienne municipale.

En effet, les danseurs portent des masques représentant un personnage, les émotions étant, elles, traduites par le corps. La danse Chhau a une origine martiale et encore aujourd’hui les entraînements font intervenir des mouvements issus des techniques de combat. Le spectacle peut faire le récit d’épisodes mythologiques ou héroïques issus des grands textes indiens tels que le Ramayana, le Mahabharata ou les Rig-Veda. Il intègre en outre, leur donnant une portée poétique et symbolique, l’imitation stylisée des animaux ou des gestes des tâches quotidiennes des villageois. Ainsi, peut-on y voir la danse du paon, la navigation des amoureux sur le fleuve ou la reproduction par les danseurs du maniement du balai. La musique fournit le rythme grâce aux timbales et aux tambours accompagnés par les bracelets de cheville à grelots (ghongroo ou ghungura) portés par les danseurs. La mélodie est jouée par le shehnai, instrument à anche.

Le premier masque du musée représente Râdhâ, favorite du dieu Krishna. Complété par une coiffe ornée, il est utilisé dans la séquence de danse Chhau célèbre évoquant l’amour unissant ces deux personnages. Râdhâ, dont le nom signifie « succès », est parfois considéré comme une incarnation de la déesse Lakshmi. Elle représente l’âme fidèle et aimante. Amie d’enfance de Krishna, elle est sa compagne éternelle, sans jamais devenir sa femme légitime.

Le second masque est porté par le danseur lors de la « danse du cygne » (Hansa Chhau) qui retrace les mouvements souples, élégants et puissants de l’oiseau, sur le sol comme en vol.

La danse Chhau réunit indifféremment des pratiquants de castes, ethnies et religions différentes. Les savoir-faire de la fabrication des masques appartiennent en revanche historiquement à la caste des Sutradhars. Les masques de Seraikella Chhau sont traditionnellement fabriqués à partir de moules d’argile sur lesquels viennent se poser plusieurs couches de papier (carton bouilli comme sur les masques du musée) et de tissu, séchées au soleil avant percement des yeux et des narines et ajouts de peinture.

Le spectacle se déroule en plein air et en nocturne. Tout concourt à attirer visuellement l’attention des spectateurs, bien sûr à distance des danseurs. Les costumes colorés sont ornés de fils dorés ou parés de bijoux qui renvoient la lumière, à la manière des grelots des bracelets de cheville. Les visages des masques sont peints de couleurs vives (jaune pour notre Râdhâ) ou claires (blanc pour le cygne). Les bouches y surgissent, soulignées de rouge. Cette couleur, en touches, y rehausse encore aussi le fort contraste noir et blanc déjà affiché par la peinture des yeux éclatants. Les détails des masques, enfin, peuvent être traités en fort relief comme pour la couronne et les fleurs ornant le visage de Râdhâ.

Les masques de danse Chhau peuvent avoir des rôles proches de ceux du théâtre Nô japonais ou du Wayang Wong de Java.

La danse Chhau a été inscrite par l’UNESCO en 2010 sur la liste du Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité.

Agnès Baboulène

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